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novembre 2023

Frédéric Beigbeder, ma fabuleuse carrière de rugbyman

En exclusivité

Frédéric Beigbeder, ma fabuleuse carrière de rugbyman

Dans le Raffut #5, Frédéric Beigbeder nous raconte sa relation avec le rugby dans un texte aussi personnel que drôle.

« Nous sommes en 1983. Je commence à sortir le soir, dans un club de la rue Princesse nommé « chez Castel ». J’y croise des joueurs du Quinze de France. Le patron de la boîte les reçoit comme des demi-dieux. Ils sont immenses, souriants, admirés de toutes les femmes et de mon écrivain préféré (Antoine Blondin). Ils n’ont pas l’air de souffrir. Je comprends qu’il existe une solidarité au-delà de ce sport. Ces hommes sont des guerriers pacifiques. La défaite ou la victoire importent peu. Ils sont soudés par un lien supérieur. Je les écoute et je découvre des gars courageux, modestes. Ils ressemblent physiquement à des tractopelles, mais ce ne sont pas des brutes épaisses.

Ah si ! tout de même, l’un d’entre eux finit par terre. Ses amis le portent dehors. La seule bagarre qu’il a perdue, c’est contre le scotch single malt. Les rugbymen appartiennent à une caste, comme les soldats d’un affrontement poétique. Ils se racontent les matchs comme des épopées.

Je comprends mieux la fascination pour ce sport. Le rugby forge des héros de roman. La violence des mêlées n’est qu’un prétexte à créer des souvenirs, une chanson de geste. Le physique des joueurs engendre une dynamique de la fiction. On se remémore leurs exploits comme ceux des Thermopyles. Le monde a besoin d’histoires symboliques.

Le rugby est un conte de chevalerie. À côté, le foot semble un jeu sans enjeu. Il ne déclenche nulle rêverie. Osons le dire : le football est ennuyeux. Il y a très peu de buts dans un match d’une heure et demie, alors que le rugby est un spectacle médiéval, une danse barbare et élégante dont chaque phase dégage une
énergie unique. La défaite ou la victoire sont équivalentes ; l’important est la légende qu’on se racontera au pub durant des siècles.

Un soir, je sors dans la rue Princesse, et je discute avec un rugbyman dans le bar d’en face. Nous demeurons pendant une heure au comptoir à nous disputer à propos de Sébastien Chabal. Je ne me souviens plus qui était pour et qui était contre. Soudain je me rends compte que j’ai oublié ma fiancée chez Castel ! C’est le problème du rugby. Une passion peut en chasser une autre. « Chérie, je te quitte pour un ballon ovale. » J’espère que cette anecdote ne fait pas de moi un macho ni un malotru, tout juste un écervelé happé par la fraternité des exploits et un chevelu barbu qui a admiré plus chevelu et barbu que lui.

La suite du récit de Frédéric Beigbeder à découvrir en intégralité dans Raffut #5