Les chimères du rugby libanais
Alors que les « Phoenix » libanais gravissaient les échelons en championnat d’Asie occidentale, les crises successives en interne et l’explosion du port de Beyrouth en 2021 ont réduit en cendres leur ascension fulgurante. Récit
Printemps 2018, la ville côtière de Jounieh, au Liban, accueille le championnat de troisième division d’Asie occidentale. La LBCI diffuse la finale en direct. 500 personnes en tribunes agitent le drapeau au cèdre. Les « Phoenix » du Liban s’imposent face à la sélection iranienne, avec une équipe composée de joueurs locaux et issus des diasporas française, américaine, anglaise, australienne. « En 2010, on n’était rien. En 2018, on a un siège à Asia Rugby, au Comité olympique, à la Francophonie, à la Confédération asiatique. Mais, surtout, on est aux portes de World Rugby », sourit Axel Maugendre. Docteur en sociologie du sport, ce jeune enseignant-chercheur à la fac des sports de Marseille a fait partie de cette dizaine de passionnés qui ont investi à titre personnel, des milliers de dollars, dans l’aventure.
Au premier rang de ces mécènes, Abdallah Ali Jammal. PDG de Jammal Trust Bank, héritier du fondateur d’une des plus grosses banques libanaises, il a investi 625 000 $ entre 2009 et 2018. L’incontournable « Alex » Jammal a joué dans les années 1970 pour les Worcester Warriors. En 1995, lorsque le « HMS Cardiff » a débarqué à Beyrouth, il fonde avec d’autres joueurs les Beirut Phoenicians pour affronter l’équipage de la Royal Navy. C’est le premier match officiel du rugby à XV libanais. Année après année, Abdallah Ali Jammal en devient l’incarnation. Président de la fédération depuis sa création, en 2009, jusqu’en 2018, il en est également la source de financement à 95 %. Jusqu’en 2009, deux clubs se battaient en duel. Les Beirut Phoenicians, club de la capitale, majoritairement musulmane. Les es Black Lions de Jamhour, fondés en 2003 au collège Notre-Dame de Jamhour, bastion des chrétiens francophones, au pied du mont Liban. Les deux équipes s’affrontaient perpétuellement dans une forme de rugby champêtre. L’adversaire variait en fonction des bateaux militaires qui accostaient et du contingent irlandais et fidjien dans les rangs des Casques bleus de la Finul.
POINT D’ORGUE ET CHANT DU CYGNE
« Pendant quinze ans, le rugby libanais était un entre-soi qui concernait 40 personnes. La volonté de l’institutionnaliser s’accélère avec l’entrée du Seven au programme des JO de Rio, en 2016 », résume Axel Maugendre, dans les travaux préparatoires de sa thèse qu’il réalise au Liban de 2015 à 2020. « À la différence du rugby à XIII, le rugby à XV présente, à long terme, l’avantage d’accéder aux fonds de la Solidarité olympique et la possibilité de se qualifier pour les Jeux asiatiques et olympiques. »
Pour viser l’Olympe, le rugby à XV doit d’abord se fédérer. Le ministère libanais de la Jeunesse et des Sports exige quatre clubs. Les Black Lions de Jamhour et les Beirut Phoenicians obtiennent leur licence officielle. Les deux autres sont des clubs de papier. Ahed et El-Ray, au sud de Beyrouth, jouaient au foot, guère au rugby. Les équipes ont ajouté une activité sportive dans leur registre.
La suite de ce reportage à retrouver en intégralité dans Raffut 6